Le projet de loi DADVSI a été votée le mardi 21 mars 2006, par 296 voix contre 193, à l'Assemblée nationale. Une procédure d'urgence ayant été mise en place par le Premier Ministre, le projet de loi va maintenant passer au sénat, sans seconde lecture de l'assemblée. Il s'agit donc du projet définitif, dont voici le contenu :

DRM et MTP

Bien que le Ministre de la culture se soit déclaré à plusieurs reprises conscient du danger des DRM, le projet de loi légalise leur mise en place, et pénalise leur contournement : 750 € d'amende pour un utilisateur ayant contourné une mesure de protection, 3 750 € pour un particulier ayant déchiffré des mesures de protection, et 30 000 € et 6 mois de prison pour un fournisseur de moyens de contournements...

Quand on sait que nombre d'utilisateurs de plates-formes de téléchargements avec DRM (iTunes Music Store, Fnac Music...) gravent la musique qu'ils achètent pour l'encoder ensuite dans un format compatible avec leur baladeur, sont-ils autant de cibles potentielles de cette partie de la loi ? Et les éditeurs de logiciels de gravure sont-ils passibles de 6 mois de prison ? Car il s'agit bien de contournement de DRM, puisque les droits numériques ne sont pas conservés...

Je suppose que les législateurs (du moins le gouvernement) ont supposés que ce genre de contournement serait inutile grâce au point suivant :

L'interopérabilité

Dans la nuit du vendredi 17 au samedi 18, quelques députés de l'opposition ont fait passer un amendement obligeant les différents fournisseurs de contenus à proposer des formats interopérables, ce qui veut dire que les DRM seront conservés, mais lisibles ou convertibles sur les différents média. Cependant, cette mesure déplait déjà, notament à Apple, soutenu par le gouvernement américain.

La copie privée

Malgré la légalisation des DRM (qui peuvent bien sûr empêcher la copie privée), la loi réaffirme l'exception pour copie privée. Cependant, le nombre et les destinataires de ces copies ne sont pas précisés, un collège de médiateurs, composés de trois membres devra trancher les litiges entre les consommateurs et les ayant droits. Il est de plus précisé dans la loi que le nombre de copies privées peut être égal à zéro, ce que laisse présager un bel avenir pour cette exception...

Par contre, une exception de copie privée pour les personnes handicapées, les bibliothèques et les musées a été reconnue, mais pas dans un but pédagogique (alors que c'était l'occasion de légaliser une pratique courante dans l'éducation nationale).

À propos du téléchargement

L'amendement sur la licence globale à été retiré, et la loi rend illégal tout téléchargement (alors que certaines jurisprudence jugeaient cela légal) et toute mise à disposition d'oeuvres sans que l'internaute possède les droits adéquats. Les sanctions sont les suivantes : 38 € en cas de téléchargements, 150 € pour la mise à disposition, et 300 000 € pour les éditeurs de logiciels d'échanges (notament les logiciels d'P2P).

Voici peut-être la partie la plus stupide de la loi. Non seulement la loi n'est pas explicite sur la mise en oeuvre de ces sanctions, et est évidement totalement inapliquable, vu la situation actuelle. Le pire étant bien sûr la condamnation pour les éditeurs de logiciels d'échange : les logiciels de P2P servent aussi à partager des oeuvre légalement (logiciels libres, musique libre comme celle de Jamendo). Et la loi peut être lue d'une telle façon que l'on peut considérer que tous les logiciels et protocoles à la base d'internet servent quelque part à partager des fichiers illégalement. Un amendement visait à limiter la portée de cet article aux logiciels destinés explicitement à la diffusion illégale d'oeuvre, mais il a été refusé. Cette disposition serait comme si on condamnait les fabricants automobiles parce que leurs voitures peuvent dépasser les limitations de vitesse...

Au final

La seule avancée que propose ce projet de loi est la disposition sur l'interopérabilité. Mis à part cela, la loi ne fait que changer les peines qui s'appliquaient auparavant, et conserve des flous juridiques autour de notions comme celle de la propriété privée. Il est évident que cette loi ne va pas faire cesser les téléchargements illégaux, et en refusant différentes propositions innovantes, le gouvernement a privé les artistes de nouveaux moyens de rémunération...

Édition du 27 mars 2006 :

Édition du 12 mai 2006 :

Le Sénat a adopté par 164 voix pour (UMP et 128 voix contre (ensemble des partis de gauche plus sénateurs non afiliés) le projet de loi DADVSI le 10 mai 2006. L'UDF s'est abstenu. Je vous invite pour plus de détails à lire : Sénat : y a-t-il un homme libre dans la salle ?

Édition du 15 mai 2006 :

Malgré l'état d'urgence, une seconde lecture à l'assemblée nationale a été décidée. Plus de détails : DADVSI : quelle seconde lecture ?

Édition du 22 juin 2006 : à la place de la seconde lecture, un commission mixte paritaire à été réunie. Plus de détails : DADVSI : résultat de la commission mixte paritaire.

Édition du 30 juin 2006 : la loi telle qu'écrite par la commission mixte paritaire viens d'être votée.