Au prix du papyrus est un recueil de nouvelles d'Isaac Asimov. Contrairement à d'autres de ses recueils, notaments ceux sur les Robots, il ne s'agit pas à proprement parler de nouvelles de science-fiction, mais plutôt de diverses nouvelles sur thèmes originaux :

  • Au prix du papyrus (la nouvelle) raconte pourquoi, dans la bible, l'histoire de la création du monde à été réduite à six jours au lieu de quinze milliards d'années : à cause du coût du papyrus...
  • Bon goût est une parodie de la croyance des hommes que ce qui est artificiel est forcément meilleur que ce qui est naturel, ici dans le domaine de la nourriture (la nouvelle est un peu dépassée, puisque la nourriture bio est désormais à la mode), mais aussi montre que les hommes préfèreraient faire n'importe quoi plutôt que de sacrifier leurs certitudes (ce qui est, semble-t-il, une constante).
  • Crédible raconte l'histoire d'un professeur, qui fait l'étrange découverte de son pouvoir de léviter. Cependant, il se heurtera aux certitudes des scientifiques qui, soit ne le croiront pas, ou, après démonstrations, resteront persuadés qu'il s'agit d'une supercherie, d'un quelconque tour.
  • De peu de se souvenir est l'histoire d'un homme ordinaire auquel on améliore le cerveau afin qu'il puisse se souvenir de tout, dans tous les détails.
  • La dernière navette raconte le vol de la dernière navette spatiale, quittant la Terre avec les derniers terriens. Etrangement d'actualité...
  • La dernière réponse raconte l'histoire d'un scientifique, qui après sa mort, à été choisit par une sorte de Dieu pour rester conscient pour l'éternité, pour penser pour l'éternité, afin de trouver la dernière réponse...
  • D'un coup d'oeil raconte l'histoire d'une guide touristique chargée de repérer un dangereux terroriste terrien dans un groupe de touriste. Elle se servira pour cela des différences qui existent entre les terriens et ceux qui vivent dans des colonies spaciales. On retrouve dans ces nouvelles un peu de l'esprit du personnage d'Elijah Baley, dans les romans du cycle du même nom.
  • Les idées ont la vie dure raconte l'histoire de deux astronautes qui partent à la conquête de la Lune. Cependant, le voyage va se dérouler comme prévu...
  • Certitude. J'ai laissé cette très courte nouvelle pour la fin, car je ne peux résister au plaisir de la reporter ici :

(préface de l'auteur)

Des quatres nouvelles courtes que je présente dans cette anthologie, celle-ci est ma préférée.

Si, lorsque vous l'aurez terminée, vous ne vou faites pas mal au diaphragme à force de gémir et de grogner et d'émettre toute sorte de protestations bruyantes, je serai vraiment très, très désappointé.

Certitude

Comme tout le monde le sait, en ce XXXe siècle de la Terre, les voyages dans l'espace son épouvantablement assomants et prennent beaucoup trop de temps. Assoiffés de distraction, beaucoup de menbres des équipages bravent les restrictions de quarantaine et embarquent des animaux familiers ramassés sur les nombreux mondes habitables qu'ils explorent.

Jim Sloane avait un pierron qu'il avait appelé le Veilleur parce qu'il restait là, immobile, à l'endroit où on l'avait posé ; mais il levait parfois un de ses coins pour absorber du sucre en poudre. C'était tout ce qu'il mangeait. Personne ne l'avait jamais vu bouger mais, de temps à autre, on ne le retrouvait pas tout à fait à l'endroit où on croyait l'avoir laissé. Certains soutenaient qu'il bougeait lorsque personne ne le regardait.

Bob Laverty avait un héli-ver qu'il avait appelé Poupette. Il était vert car il effectuait la photo-synthèse. Parfois il se déplaçait pour avoir plus de lumière et alors il enroulait son corps vermiculaire et avançait très lentement comme une hélice.

Un jour, Jim Sloane défia Bob Laverty à la course.

« Mon Veilleur peut battre ta Poupette.

-Ton Veilleur ne bouge même pas !

-Je pari que si ! »

Tout l'équipage participa à la compétition. Même le capitaine risqua un demi-crédit. Tout le monde misa sur Poupette. Le ver, au moins, se déplaçait.

Jim Sloane couvrit tous les paris. Il avait économisé son salaire de trois voyage et il mit jusqu'à son dernier millicrédit sur le Veilleur.

Le départ de la course devait avoir lieu à l'une des extrémités du grand salon. A l'autre, on avait disposé un tas de sucre en poudre pour le Veilleur et un projecteur pour Poupette. Le ver forma aussitôt une hélice et se mit à avancer en spirale, très lentement, vers la lumière. Tout l'équipage l'acclama.

Le Veilleur resta là, sans bouger.

« Du su-sucre, Veilleur. Du Su-sucre », dit Sloane en le lui montrant du doigt. Le Veilleur ne remua pas d'un millimètre. Plus que jamais il avait l'air d'une pierre, mais Sloane ne semblait pas s'inquiéter.

Pour finir, lorsque Poupette eut parcouru, à grand renfort de spirales, la moitié du salon, Jim Sloane dit, avec désinvolture, au pierron : « Si tu ne bouges pas de là, Veilleur, je vais prendre un marteau et te réduire en petits cailloux. »

C'est alors que l'on découvrit pour la première fois que les pierrons étaient télépathes. Et par la même occasion, on apprit aussi qu'ils pouvaient se téléporter.

Sloane n'avait pas plus tôt fini d'énoncer sa menace que le Veilleur disparut tout simplement de l'endroit où il était et reparut sur le tas de sucre.

Sloane avait gagné et il se mit à compter lentement et voluptueusement ses gains.

« Tu savais que cette sacrée bestiole pouvait se téléporter, lui dit Laverty avec amertume.

-Non, absolument pas, répliqua Sloane, mais je savais que mon pierron allait gagner. C'était, pour moi, une certitude.

-Et pourquoi ?

-Il fallait bien que le Veilleur gagne. »

Issac Asimov, © Davis Publications, Inc., 1977, © Editions Denoël, 1969, pour la traduction française.