La logique formelle est une merveille. Elle tient pour vraie une affirmation comme : Si le Groenland est en sucre candi, alors Charlemagne est le plus grand écrivain du Moyen Âge. En effet, la prémisse est fausse (le Groenland n'est pas en sucre candi). Or, si l'on suppose réalisée une prémisse fausse, on est en droit de déduire tout ce que l'on veut. Aucune de ces déductions ne pourra être contredite, puisque, pour la contredire, il faudrait une situation dans laquelle la prémisse soit réalisée et la conclusion de la déduction fausse. Comme la prémisse n'est pas vraie, on ne peut jamais avoir une telle situation.

Application pratique. Une élection est prévue au jour J. La veille au soir, paraît un sondage effectué au jour J-1, selon lequel, si l'élection avait lieu au jour J-1, Martin serait élu avec 80 pour cent des voix. L'élection se tient au jour J, et c'est Dupont qui est élu avec 80 pour cent des voix. Le sondage s'est-il trompé ?

Du point de vue de la logique formelle, non. La seule façon de mettre le sondage en contradiction avec les faits serait de constater la victoire du Dupont en tenant l'élection au jour J-1. Mais réaliser cela est impossible, puisque l'élection ne se tient pas au jour J-1 ! Le sondage dit donc vrai.

Cela a une intéressante conséquence quant à l'élection présidentielle qui occupe les esprits. Je puis affirmer que, si elle avait lieu aujourd'hui, je serai élu triomphalement. L'avenir n'a aucun moyen de me démentir.

Il est d'usage que le vainqueur d'une élection remercie ses électeurs. Qu'il me soit permis, quant à moi, de remercier la logique formelle.

Didier Nordon, Pour la science, Mars 2007.